dimanche 15 décembre 2013



Actuellement, en Guinée, si on pouvait classer les secteurs d’activités qui  battent le record dans ‘’l’exploitation des jeunes diplômés guinéens, l’enseignement privé primaire et secondaire serait parmi les tout premiers pour ne pas dire le premier. 

Pour s’enquérir de cette réalité tangible, il suffit de faire tour dans certains établissements d’enseignement privé ou  échanger avec les  jeunes cadres  qui  y évoluent.

Après les études universitaires et dans le souci d’avoir une autonomie dans leur nouvelle  vie vis-à-vis de leurs parents ou tuteurs,  ces jeunes décident souvent de se lancer dans l’enseignement privé. 

Mais hélas, ici, dans ce  milieu où chaque fondateur établit ses principes et  règlements de fonctionnement comme bon lui semble,  les jeunes diplômés,  en quête d’un premier, n’ont pas le choix  et se remettent toujours à leur volonté dans la gestion et le  traitement. Plus grave, beaucoup parmi ces responsables  d’écoles privées n’acceptent même pas d’établir en bonne et due forme  un  contrat de travail. Et les salaires se négocient individuellement, du primaire au lycée.

Pour l’élémentaire, les salaires varient souvent entre 250.000 à 500 000 GNF le mois ; entre 7500 à 15.000GNF par  l’heure dans les  collèges et lycées ; pas de primes de craies ou autres  avantages allant dans le sens de reconnaitre ou  encourager  le bon travail. 

Avec ces faibles rémunérations, ces jeunes enseignants arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Se trouvant  ainsi dans une impasse, n’ayant pas autre recours et en quête du premier emploi,  ces jeunes  diplômés  se lancent dans l’enseignement privé où règne la sous-traitance, la mauvaise gestion,   l’exploitation, l’escroquerie, l’arbitraire, …

Enseignant dans une école privée,  Ahmed Bella BALDE, marié et père de (4) enfants  explique  son calvaire de tous les jours. ‘’  Je suis dans cette école depuis  2001et par la grâce de Dieu, j’arrive à maintenir ma  famille mais pas plus. Cette école où j’évolue actuellement est la septième depuis  que je me suis lancé dans cette activité après mes échecs au Baccalauréat deuxième partie.  

 C’est dans l’espoir d’être un peu indépendant et combler mes petits  besoins que j’ai décidé d’exercer  ce métier. A chaque nouvelle rentrée, on  maintient les anciens salaires pour les anciens  et nouveaux. C’est après deux ou trois mois de cours, les anciens peuvent  avoir un rajout  variant  entre 10.000 et 15.0000 GNF.  Moi, je suis à ma troisième année avec  un salaire  de 450.000FG,  si je ne  m’absente pas. Vous imaginez  un père de  famille de (4) enfants .Franchement, c’est un calvaire. Nous vivons de dettes .Je commence à prendre les dettes dès le 10 de chaque mois juste après la paye entre le 1er et le 05. Ma journée, je la passe à l’école et parfois dans certaines familles où  je donne des cours à domicile. Ce qui me touche de plus, les fondateurs ne pensent qu’à leur gain, l’humanisme fait franchement  défaut.  Pour preuve, tout dernièrement, quand je suis tombé malade, ce sont mes élèves de la sixième qu’ils ont demandé de cotiser pour moi.  Moi, je n’ai pas été assisté  et si c’était un membre de ma famille, devinez le reste  ’’,  interroge t-il.

Pour  Ibrahima KAMANO qui évolue au secondaire, il s’est dit toujours perturber dans les  calculs des heures dispensées à chaque fin de mois. ‘’ C’est incroyable ! Vous allez voir un mois j’ai 80 heures, un autre 70 voire 65 heures. Or, c’était pour limiter mes multiples déplacements et accroitre mon économie  que  j’ai  pris deux écoles. Mais, comme toutes les autres écoles privées de la place, ces deux écoles ont aussi un cahier où on  écrit les heures d’arrivée et  heures de départ. A la différence, de certaines écoles privées,  dans ces écoles où j’évolue,  les absences non justifiées, les  jours fériés ne sont  pas tenus en compte .En plus, le salaire est directement lié au nombre d’heures mentionnées dans ces cahiers. Mon malheur est qu’il y’a des mois qui ne font pas 30 jours et une heure est payée à 8500 GNF. Mon salaire varie entre 680.000 et  552.500 GNF le mois.  Mais  depuis que les crises politiques ont commencé en Guinée, je n’ai pas pu pousser le mois jusqu’au bout. Comme mes autres amis enseignants,  ce sont  les dettes  et le café noir qui nous maintiennent. C’est pourquoi, il est rare de voir un enseignant qui brille  ou même qui est gros. Nous souffrons dans  ces écoles privées et l’Etat ne pense même à nous. Après chaque prière, j’implore le Tout –Puissant d’épargner ma famille et mes confrères des maladies. Je suis conscient si par malheur un membre de nos  familles  tombe malade, ça sera une honte  voire la mort de l’intéressé. Je ne le cache pas.  J’ai pas pu assurer le quotidien,  ce n’est  pas traiter un malade que je pourrais faire’’ se lamente –t-il.

Chargé de gérer  un complexe scolaire privé de la place,  Monsieur Alseny Camara, se dit heureux de sa façon de  gérer son personnel.  Selon lui, son traitement est proportionnel  à l’effectif et qu’il ne reçoit ni  aide, ni subvention de la part de l’Etat. ‘’ Comment est-que vous voulez qu’on donne plus que ce qui rentre ?  Nous, nous obligeons personne. Chez nous ici,  dés la rentrée, on  remet à tous les anciens et nouveaux  postulants  notre nouvelle   grille  salariale et règlement intérieur. Nous,  l’heure est payée à 17.500 GNF .Nous payons les congés et jours fériés. Pour les assistances sociales, l’école a une caisse qui est alimentée régulièrement par l’ensemble des professeurs, chacun  déposé 2000 GNF après chaque paye’’ M .Camara .

Rappelons que contrairement à l’enseignement privé primaire et secondaire, les enseignants du public bénéficient des primes de craies et autres encouragement.
Aujourd’hui, les questions qu’on pourrait se poser, c’est le pourquoi un secteur aussi important qui est l’éducation est tant  négligé et quel avenir prépareront pour nos  enfants avenirs du pays si ceux qui sont chargés de les former vivent mal et relégués au dernier rang.

Mouctar Diallo

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